Comment l’avenir de l’export est suspendu à l’industrie

«Sans industrialisation, pas de développement des exportations». C’est par cette lapalissade que le président du Centre marocain de conjoncture, Habib El Malki, a planté le décor de la journée dédiée au modèle d’exportation à l’horizon 2025.
Source : L’Économiste
Posté Le : Mercredi 3 juillet 2019

Une alternative qui doit aller de pair avec la mise en place d’un nouveau modèle de croissance. «Celui centré principalement sur la demande intérieure a fini par montrer ses limites», constate le président du CMC.

L’épuisement graduel du potentiel de croissance que présente un marché intérieur relativement exigu, à la fois par sa taille et son pouvoir d’achat, impose une refonte des options stratégiques adoptées jusqu’à présent. D’autant plus que le pays s’engage depuis 2010 dans le cycle d’une croissance sous la barre de 3% après un niveau de plus de 4,5% avant la crise de 2008.

Aujourd’hui, «le choix d’un modèle de développement orienté vers l’export s’impose comme alternative la plus adaptée au nouveau contexte d’ouverture et de globalisation de l’économie», s’accordent à dire les intervenants (institutionnels et opérateurs). Reste à définir les modalités. Transformation structurelle, émergence d’une offre exportable à forte valeur ajoutée, diversification des produits et des marchés et innovation… les postulats du changement. Mais de l’avis du président du Centre marocain de conjoncture, «la transformation structurelle représente une véritable boîte à outils». Surtout que le secteur exportateur se distingue par des faiblesses touchant à la fois les opérateurs et les biens exportés. Environ 80% des exportations sont réalisées par 5% des entreprises. Et près de 5.000 opérateurs s’activent à l’import contre 1.500 exportateurs. Au final, la part marocaine du commerce mondial s’établit à 0,14% actuellement contre 0,11% il y a une décennie.

Tout plaide donc pour aller plus loin dans l’adaptation du cadre institutionnel. Dans l’objectif d’un rééquilibrage de la balance des paiements mais aussi de la création des richesses et de l’emploi. Or, la contribution des échanges à la croissance reste marginale, avec un effet négatif sur l’emploi. Pour la plupart des 4.000 produits qu’exporte le Maroc, la valeur ajoutée s’opère à l’extérieur. C’est pour ces raisons que le pays doit s’engager, plus que jamais, dans un effort d’industrialisation, relève El Malki. Aujourd’hui, le PIB du secteur industriel peine à franchir la barre de 14% contre 24% il y a deux décennies.

Sur ce chapitre, le Plan d’accélération industrielle a donné des résultats encourageants, particulièrement dans des secteurs porteurs de nouvelles dynamiques. «C’est la voie à suivre pour la restructuration de l’économie et la diversification des produits et des marchés», suggèrent certains intervenants. Ceci à la condition de mobiliser l’investissement aussi bien d’origine locale qu’extérieure.

Pour Brahim Benjelloun Touimi, administrateur-directeur général exécutif de BMCE Bank Of Africa, «l’urgence de renforcer l’insertion du Maroc dans les chaînes de valeur mondiales n’est plus à souligner». Et «l’industrialisation est au cœur de cette insertion». A ses yeux, le Maroc se doit de renforcer ses investissements dans l’industrie propre et l’économie verte. Et ce n’est pas «un choix de partis politiques écologistes, c’est le bon sens des citoyens du monde», a-t-il martelé. D’autant plus que le pays a la chance de choisir de bons partenaires pour s’inscrire dans cette dynamique d’investissement dans les services distants notamment, l’internet des objets, la robotique et le digital.

A cet égard, il a appelé à soutenir les sociétés technologiques afin qu’elles puissent œuvrer à la digitalisation de ce secteur de l’économie marocaine et de celle de l’Afrique.

L’orientation est saluée par le président de l’Association marocaine des exportateurs (Asmex), Hassan Sentissi. Tout en précisant que les opérateurs veulent une fiscalité «favorable et simplifiée pour l’investissement dans les métiers de l’export». Mieux, c’est la seule voie pour la résorption du déficit commercial», avance Sentissi.

En attendant, il est temps de déployer le statut de l’exportateur indirect et de généraliser la préférence nationale et régionale dans les marchés publics et les partenariats privé-public pour les produits et services marocains, a-t-il plaidé. M. Sentissi, qui a relevé plusieurs faiblesses du commerce extérieur marocain, a également appelé à la mise en place de mécanismes de financement et de garantie spécifiques en vue de couvrir les risques et accompagner les exportateurs. Allant jusqu’à revendiquer la mise en place du système de préfinancement des exportations disparu depuis la privatisation de la Banque du commerce extérieur. Mieux, il recommande le déploiement d’un dispositif «de régulation des exportations de produits bruts afin de les transformer localement et de primer les performances à l’export». Sans oublier l’encouragement de la recherche/développement via des crédits d’impôt. Toujours est-il que ce sont, entre autres, les requêtes adressées par l’Asmex au ministère de l’Industrie qui est en phase d’élaboration d’une nouvelle stratégie de l’export.

De son côté, le président de la Commission du commerce extérieur et accords commerciaux de la CGEM, El Aid Mahsoussi, estime que l’économie devrait se diversifier. «Sans cette diversification, la vulnérabilité du tissu économique devrait s’aggraver», a-t-il fait remarquer.